3.8.10


Pro-nique clitéraire
Filles perdues, Alan Moore et Melinda Gebbie. Delcourt 2008

J'ai eu de la peine à entrer dans cette bd. Je me demandais où j'étais, ce que c'était. Et puis je n'aimais pas particulièrement les dessins, les lignes et les couleurs. Trop chargés, trop léchés. Je n'en démordrai pas. Pourtant...
Ça commence de manière suggestive. On ne sait pas si elle est seule, visiblement c'est sensuel et on apprend qu'elle est tordu puisqu'elle pervertit les femmes. Elle était en relation avec un double dans son miroir fétiche. Elle se masturbait. Elle est âgée.
C'est donc une bd porno, essentiellement lesbienne, mais aussi gaie et hétéra.
Les actions se déroulent quelques semaines avant la Première Guerre mondiale. Voilà pour le côté vieillot du décors. Les protagonistes se retrouvent dans un hôtel de luxe tenu par un obsédé, qui a laissé dans chacune des chambres un livre blanc, illustré, composé des classiques de la littérature érotique: Sade, Wilde, Bousquet et d'autres que je n'ai pas reconnus. En filigrane, ces textes articulent certaines scènes.
Le récit découle de la rencontre de trois femmes. La lesbienne un peu âgée qui a initié le récit; une Américaine plus ou moins bien élevée, portant des escarpins d'argent; et la femme d'un commercial, visiblement frigide. Les trois femmes vont consacrer leurs loisirs à raconter leurs premières aventures érotiques tout en s'excitant, se léchant, se pénétrant. On comprend que le retour sur ces scènes d'origine, osées, permettra à ces femmes de s'émanciper de leur perversion en assumant pleinement leurs désirs.
Du coup, c'est sexe de bord en bord et de plus en plus. Un récit d'enfance accompagne toujours le moment présent, lui-même folichon. C'est excitant. On a droit à tout: la sodomie, la liberté de se donner à n'importe qui, beaucoup d'inceste (et cette réflexion à propos de la littérature qui permet de tout vivre, au-delà du bien et du mal), des orgies saphiques avec domination, bref le sexe complètement obsédant. Et pour en rajouter une couche, le récit est aussi émaillé du travestissement de trois contes pour enfants: le magicien d'Oz, Alice au pays des merveilles et Peter Pan. Chacune des protagonistes est associée à l'un de ces contes, sexuellement, obsessionnellement détournés.
Pour en revenir au dessin. L'ami Nico (avec qui j'écris cette pro-nique) aime les couleurs et les dessins, soulignant qu'ils atténuent ce qui pourrait paraître trop dur dans le récit. J'aime quant à moi les poses des corps, toutes les poses qui soulignent la variété et la justesse de la sexualité lesbienne affirmée.