2.8.10

PRO NIQUE CLITÉRAIRE
Coney Island Baby, une bd de Nine Antico, L'Association 2010

C'est encore une bd, glanée au hasard dans une librairie politique de Bruxelles. Prise sans savoir ce que j'allais y trouver, sans savoir que c’est ce que je cherchais.

Ça se présente comme un récit destiné à deux jeunes filles qui souhaitent devenir pin-up. Bon, le statut de la narration est ambigu… est-ce vraiment monsieur Playboy (Hefner) qui s'attribue tout le rôle de bien informer les femmes des illusions du pornsystème? Lui qui prend Linda Lovelace par derrière, par surprise, comme si cette pénétration allait de soi (je con-cède que c’est la page qui m’a fait le plus jouir). Mais, bon, au fond, on a quand même l'impression que la domination masculine n'est pas remise en question.

Pour le reste, c’est une bd qui déniaise. En trame de fond de ce récit visant à éclairer une décision (devenir ou non pin-up), l’histoire des célèbres Bettie Page (dont on n’évoque pas le double dessiné : Betty Boop) et Linda Lovelace "gorge profonde". Sans jugement moral, on suit les parcours de ces femmes, sans omettre les détails sur leur rêve de star, mais en présentant surtout l'idée qu'elles étaient tout à fait à l'aise avec leur exposition, les jeux devant les photographes et les caméras. Bettie Page est présentée comme une femme intelligente en plus d'être super belle, ce qui permet d’insister sur sa complicité lors des séances de photos, sur l'atmosphère de jeux qu'elle y instillait. Quant à Linda Lovelace, on la sent très bien dans l’excès d’exposition, dans la fierté de savoir si bien piper une queue, d'être super bien dans sa sexualité. Le film "Deap troath" est en outre présenté comme une affirmation féministe -- bien qu'elle soit ensuite critiquée : "c'est bien encore du machisme de supposer le clitoris au fond de la gorge pour justifier le plaisir que les femmes tirent à faire plaisir aux mecs… ce qui ne saurait suffire en guise de jouissance… -- bon vous en faites ce que vous voulez de ce contre-point).

Le récit n'échappe pas non plus les "fuites" religieuses des deux actrices et questionne les témoignages de Lovelace par rapport au fait qu'elle était prisonnière de son mec qui l'aurait forcée tout au long de sa carrière de pornstar. La bd ne tranche pas et laisse au lecteur la possibilité d'errer entre l’affirmation de ces femmes et le contexte hostile.

J’ai adoré cette balade.